Le Taichi Chuan

Gong Fu (Kung Fu)

Ce terme, souvent mal compris en occident, ne fait pas référence à un style d’art martial chinois en particulier, il est employé pour désigner le niveau de maîtrise ou d’habileté qu’une personne a pu acquérir quelle que soit sa discipline (arts martiaux, calligraphie, cuisine…). Dans le sens occidental du terme, nous pourrions dire que le TaiJi Quan (TaiChi Chuan) est un style de Kung Fu et de Qi Gong.

Dans les arts martiaux, les pratiquants développent souvent un Gong Fu (Kung Fu) à l’intérieur de leur propre style (botte secrète, main ou pied de fer…), consécration de nombreuses heures d’entraînement.

Taiji Quan (Taichi Chuan)

        Introduction

Le Taiji Quan (Boxe des polarités extrêmes) est, comme son nom l’indique, un art martial basé sur les concepts taoïstes de l’alternance du yin et du yang. Sa théorie privilégie la souplesse, la rondeur et le relâchement musculaire. L’un des exercices les plus célèbres est l’exécution des formes à un rythme lent permettant au pratiquant de rechercher l’essence des techniques. Il est toutefois restrictif de résumer cette boxe à cette partie de l’entraînement.

Représentation du Légendaire Zhang SanFeng de Wudang

Ses origines légendaires sont attribuées au mythique Zhang Sanfeng du mont Wudang…Toutefois les historiens s’accordent aujourd’hui sur le fait que la pratique la plus proche de celle que nous connaissons actuellement et dont nous pouvons suivre les transmissions généalogiquement provient de celle de la famille Chen.

 La boxe était alors appelée boxe Chen ou encore boxe des treize postures (ShiSan Shi) ; la dénomination de Taiji Quan est relativement récente et consécutive à la découverte de recueils expliquant la théorie taoïste du Taiji, théorie rendue vivante par cette boxe.

Les styles découlant du style Chen les plus célèbres sont le Yang, le Wu de Wu Yuxiang, le Wu de Wu Jianquan et le Sun.

De nos jours, le Taiji Quan est reconnu mondialement pour ses vertus thérapeutiques, l’esthétisme de ses mouvements et la philosophie qui accompagne son apprentissage. Aussi, nombreux sont ceux qui se dirigent vers la pratique de cet art pour y trouver une activité physique qui entretienne le corps sans laisser de côté l’esprit.

ChenShi Taiji Quan

Le style Chen est l’ancêtre des autres styles. Ses origines remontent à Chen Wanting (9° génération de la famille Chen), qui vécut au XVII°s et était descendant de Chen Bu (1° génération) qui fonda le village de Chenjiagou vers la fin du XIV°s.

C’est à Chen ChangXing qui vécut au XIX°s (12° génération de la famille Chen) que l’on doit la compilation des formes anciennes en deux chemins, Yi Lu (1°chemin) er Er Lu (2° chemin) également appelé Pao Chui (Poings cannons). C’est ce même premier chemin qui servira de base à la structuration de tous les styles actuels de TaiJi Quan.

Le Grand Maître Chen ChangXing

Sa diffusion au grand public est due à Chen Fake (17° génération) qui, au cours du XX°s, enseigna à Beijing (Pékin).

Le Grand Maître Chen Fake

L’expression de sa puissance intérieure lors de ses premières démonstrations était telle que personne ne voulait croire qu’il existât un lien de parenté entre son art et celui des formes simplifiées découlant des enseignements de Yang Chengfu (voir le chapitre suivant). Nombre de ses successeurs simplifièrent l’art familial pour le rendre accessible à tous.

Les exercices de forme à mains nues sont divisés en Yi Lu (Premier Chemin), caractérisé par des postures amples et basses, l’alternance du lent et du rapide, et des mouvements spiralés (Chanshijing) ; et Er Lu (Second Chemin), ou Pao Chui (Poings Canons), dans lequel le pratiquant peut s’exercer aux émissions de force (Fajing) et à la puissance vibratoire (Doujing).

Dan Bian (Le coup de Fouet) par Maître Yang Cantegrit Wang

L’enseignement de Maître Wang Bo tente de rester le plus fidèle à celui qu’il reçut du Maître Chen Fake (voir les arbres généalogiques). C’est par l’intermédiaire du célèbre Maître Gu Liuxin qu’il fut introduit auprès de Chen Fake, dont il suivit à la fois les leçons collectives et l’enseignement privé. Gu Liuxin devait, lui, devenir des années plus tard le maître de sa fille Wang Yang …

YangShi Taiji Quan

Le Grand Maître Yang Luchan

Le style Yang provient de Yang Luchan, qui au cours du XIX°s en reçut la transmission de Chen Changxing (12° génération de la famille Chen). Yang Luchan, connu pour sa souplesse lui permettant d’exécuter des techniques au ras du sol, était surnommé Yang l’invincible (Yang Wudi) pour avoir remporté avec succès les défis que les maîtres d’autres styles lui avaient lancés. Cette renommée lui valut d’être introduit auprès de l’Empereur et de devenir instructeur des gardes impériales.

Le Grand Maître Wang Bo effectue She Shen Xia Shi
Rou Di Shi (la posture du serpent qui rampe et s’enfouie dans le sol)

C’est pourtant son petit-fils Yang Chengfu (au début du XX°s) qui permit à cet art familial de trouver accès vers le plus grand nombre. Introduit auprès de riches familles qui souhaitaient apprendre son art, il simplifia le travail corporel et l’aspect martial, le transformant en gymnastique de santé et le rendant ainsi abordable à tous, quel que fût l’état physique de départ.

Le Grand Maître Yang ChengFu

Le Taiji Quan Yang regroupe ainsi un ensemble de pratiques très diverses, provenant du style ancien (Laojia) ou de formes simplifiées.

Le maître Wang Bo ayant appris ce style de sources différentes (voir les arbres généalogiques) propose un travail qui garde les concepts énergétiques principaux des formes anciennes (tels que le travail d’ondulation de la colonne (Ze Die) ou d’ouverture et fermeture du corps (Da Kai Da He) ; mais qui offre à ceux qui le souhaitent la possibilité d’une simplification de l’exigence posturale, et conserve ainsi l’aspect positif que représente l’accessibilité à tous des formes simplifiées.

Quanyou Laojia Taiji Quan

La forme ancienne de Quanyou n’est pas un style indépendant, bien qu’elle puisse être considérée comme telle.

Instructeur de la garde impériale, Quanyou développa une pratique influencée par l’enseignement direct et indirect de trois grand maîtres.

Il fut en effet disciple de Yang Luchan et de son fils Yang Banhou, qui, lui était également disciple de Wu Yuxian (créateur d’un des deux styles Wu).

Il transmit sa pratique, représentative de l’âge d’or du Taiji Quan Yang le plus martial, à son fils Wu Jianquan (créateur de l’autre style Wu), qui la simplifia, et à Chang Yuanting, qui la transmit à son tour à son fils Chang Yunjie. Ce dernier se refusa à modifier cette forme pour la rendre commerciale, préférant vivre dans la pauvreté.

La famille Chang lui conféra l’appellation Quanyou Laojia (forme ancienne de Quanyou) en respect pour ce maître qui leur avait transmis un pur joyau, fruit d’années d’entraînements au côté des plus fameux guerriers de l’époque.

Quanyou avait percé à jour les mystères de l’énergie de transformation (Huajing), conférant à cette forme une saveur très atypique : le travail d’absorption, d’ouverture et de fermeture (Da Kai Da He), d’ondulation de la colonne (ZeDie), tout comme les émissions de force (Fajing) retenues, y sont particulièrement recherchés.

Le Grand Maître Chang YunJie et son jeune disciple Wang Bo en 1969

Le maître Chang Yunjie ne transmit son art qu’à quelques rares disciples dont le maître Wang Bo eut l’honneur de faire partie (voir les arbres généalogiques).

C’est en respect de la mémoire de son maître que ce dernier essaie à son tour de ne transmettre cette pratique qu’à ceux qui ont démontré au fil du temps leur sincérité et leur goût pour l’entraînement.

Dan Bian (Le coup de Fouet) dans la Quan You LaoJia par Maître Thomas Cantegrit

Bref aperçu de l’histoire moderne du Taiji Quan

A partir de1957, le Ministère des Sports chinois,  situé à Pékin (Beijing) décida de créer la première forme simplifiée de Taiji Quan,  (Jienhua Taijiquan)  aussi appelée forme de Pékin. Cette forme est une compression en 24 mouvements des 108 mouvements du style Yang.

Dans les années qui suivirent se développèrent nombre d’autres formes simplifiées.

Le but officiel de la création de ses formes était clairement défini comme étant :

  • Réguler, voire faire disparaître les lignées traditionnelles familiales
  • Amoindrir, contrôler voire faire disparaître l’aspect martial et spirituel inhérent à ses pratiques anciennes
  • Simplifier la pratique afin de la faire au convenir au plus grand nombre et permettre son développement à travers le monde
  • Réguler l’enseignement sportif, notamment au travers des compétitions
  • Permettre une standardisation de la pratique nécessaire au passage des grades

Une partie de ce but a été largement atteint puisque la diffusion du Taiji Quan s’est opérée à travers le monde, sa diffusion au grand public rendue possible, la mise en place de compétition et grades devenue une réalité.

Toutefois il est à noter que depuis la fin du siècle passé, un retour vers le traditionnel est largement opéré, par le gouvernement et les pratiquants, souhaitant ne pas voir disparaître le patrimoine culturel que représentent ces pratiques plus anciennes, et conscients que les objectifs de régulation des pratiques traditionnelles risquait en vérité d’engloutir un trésor vivant.

Depuis peu une politique de soutien a même été mise en place, avec entre autre, une aide financière attribuée dans le cas de reconnaissance établie de «  Conservation du patrimoine culturel vivant ».